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L'histoire du lycée de Marmande

La lente croissance de l'établissement au XIXe siècle

et le début de sa spécialisation technique dans le premier XXe siècle

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La renaissance du collège

On retrouve trace de l'existence du collège le 14 octobre 1815 dans le Moniteur universel qui fait état d'une place au collège réservée à François Fresquet, fils d'un arpenteur et garde national "mort glorieusement en combattant une bande de brigands armés qui infestaient la contrée" : "Il lui sera accordé, lorsqu'il aura atteint sa huitième année, une place gratuite au collège de Marmande".

Le collège de Marmande fait alors partie des écoles secondaires ou collèges à charge des communes, conformément à la loi du 1er mai 1802, qui les distinguait d'un côté des écoles primaires (à charge des communes) et de l'autre des lycées et écoles spéciales (écoles de droit, écoles militaires) à charge des communes.

On estime qu'au XIXe siècle, seulement 2-3% des garçons d'une tranche d'âge fréquentaient un collège ou un lycée.

L'établissement apparaît ensuite fréquemment dans les sources qui montrent les mouvements de personnels, qu'il s'agisse du Lycée. Journal général de l'instruction ou de la Gazette des écoles : journal de l'instruction publique et de l'Université.

A titre d'exemple, on apprend que le 10 septembre 1830 "M. Fourteau (Bernard) licencié ès-lettres, principal du collège de Marmande, est nommé proviseur du collège royal de Poitiers, en remplacement de M. l'abbé Cohadou", ou encore que le 15 septembre de la même année "Legoff, régent de rhétorique au collège de Marmande" a été reçu au concours de l'agrégation aux classes de grammaire.

Face au peu d'informations que nous livrent les archives pour cette époque, nous sommes contraints d'imaginer comment vivait l'établissement à partir de ce qui se passait dans d'autres collèges. Ainsi la lecture de l'article de Julien Vasquez "La lente implantation des lycées aquitains et les offres d'enseignement dans le premier XIXe siècle" (in Lycées, lycéens, lycéennes, deux siècles d'histoire, INRP, 2005) est-elle très enrichissante :

"Obtenir un lycée, pour les villes aquitaines du premier XIXe siècles, c'est le moyen de retenir en leurs murs les meilleurs élèves. [...] Cela étant dit, les établissements qui pallient l'absence de lycée se sont très rapidement adaptés à ces ambitions et se sont efforcés de dispenser un enseignement le plus proche possible de celui des lycées, [...] s'attachant particulièrement à promouvoir rhétorique et culture classique, et l'enseignement scientifique est laissé à l'écart. [...]

Pour autant ces établissements ne parviennent pas toujours à se hisser au niveau de leurs modèles. La formation des professeurs témoigne bien souvent de cette différence et accentue encore la relégation des collèges au rang de 'sous-lycées'. [...]

Au-delà de la qualification des professeurs, les collèges municipaux se distinguent souvent des lycées par le médiocre taux de réussite de leurs élèves à l'épreuve difficile et sélective du baccalauréat."

Un dépliant de 4 pages vantant les mérites du collège publié en 1837 par l'académie de Cahors dont dépendait alors Marmande semble confirmer cette étude (document consultable aux archives départementales 47 et cité par le Sud-Ouest du 4 septembre 2012). Voici ce qu'on promettait aux parents pour les inciter à inscrire leurs fils :

"L'enseignement du collège de Marmande sera le même que celui des collèges royaux : il comprend la philosophie, les éléments de physique et de chimie, les mathématiques, la rhétorique, les lettres grecques et latines, la langue française, l'histoire, la géographie ancienne et moderne, la cosmographie, l'écriture et le calcul."

"Chaque année, à dater de Pâques, les élèves de mathématiques seront fréquemment exercés à l'arpentage et à la levée de plans".

"La surveillance sera exacte, de tous les instants, et la discipline sévère."

"Nous nous hâterons de dire que nos premiers et nos plus constants efforts tendront à rendre nos élèves chrétiens et vertueux. Substitués à la sollicitude paternelle, nos instituteurs sont véritablement investis, à l'égard de leurs élèves, d'une mission non moins sacrée, non moins étendue, que celle du père de famille." "Le collège forme pour la société des hommes vertueux et de bons fils pour chaque famille".

Pour profiter de cet enseignement, il fallait verser 450 francs par an pour un élève interne de plus de 12 ans, une bonne somme pour l'époque.

Le collège est agrandi entre 1839 et 1848 et une cour apparaît, comme le montre la photo ci-dessous. C'est aujourd'hui le square de Verdun qui est toujours bordé des arcades caractéristiques.

​Un des quatre établissements publics du département

Nous connaissons un peu mieux la situation du collège en 1871-72 en raison d'un rapport détaillé rédigé par le préfet et présenté au conseil général de Lot-et-Garonne à la session d'août 1872.

​« Le collège de Marmande, qui comptait 83 élèves en 1871, en a reçu, cette année, 85 dont 29 suivent les cours spéciaux et 24 l’enseignement primaire. Cet établissement dont l’installation matérielle est d’ailleurs très satisfaisante donne de bons résultats et justifie la confiance des familles. […]

Il donne l’enseignement classique, celui des langues étrangères et l’enseignement spécial ; les études y sont en honneur. M. le Principal est habile et dévoué. »

A cette date, le collège est le 3e plus grand établissement public du département derrière le lycée d'Agen et le collège de Villeneuve.

                                       l enseignement    enseignement      enseignement

                                       l   classique              spécial                 primaire       

Lycée d’Agen                 l       219                       66                         37          

Collège de Marmande   l        32                        29                         24          

Collège de Mézin           l          5                        15                         21          

Collège de Villeneuve    l         46                       33                         29     

 

Les Annuaires de l'Instruction Publique nous permettent entre 1882 et 1908 de connaître avec plus de précision les classes et les enseignants du collège. On sait ainsi qu'en 1882, l'établissement compte 11 professeurs, outre le principal et l'aumônier. Voilà comment l'ouvrage décrit le collège :

« COLLÈGE COMMUNAL DE MARMANDE

Principal : M. Vielcazat – Aumônier : M. l’abbé Batch, ch.

Professeurs : MATHÉMATIQUES : M. Bernard, ch. – PHYSIQUE : M. Vielcazat

PHILOSOPHIE ET HISTOIRE : M. Boutard

RHÉTORIQUE ET SECONDE : M. Merlin

TROISIÈME ET QUATRIÈME : M. Canac

LANGUES VIVANTES : M. Fauré

CINQUIÈME ET SIXIÈME : M. Heyraud

SEPTIÈME ET HUITIÈME : M. Cazaban

CLASSE PRÉPARATOIRE : M. Cazaubiel

CLASSE PRIMAIRE : M. Blanchard

DESSIN : M. Soulard, ch

ENSEIGNEMENT SPÉCIAL : M. Soulard. »

On sait par ailleurs que les classes ne comportent que peu d'enfants. En effet, les souvenirs du poète Émile Goudeau (Le Pierrot) qui a été brièvement professeur de huitième et surveillant au collège de Marmande en 1866-67 nous apprennent qu'il n'y avait que 3 enfants dans sa classe. Il recevait pour cette tâche 600 francs par an, plus la nourriture et le logement.

Jusqu'à la première guerre mondiale, le nombre d'enseignants connaît des fluctuations : 10 professeurs en 1883, 9 en 1884, 13 en 1900 et 14 en 1907. Voici la composition du personnel du collège en 1907 selon l’Annuaire de l’Instruction Publique (source : ici):

« Administration. Principal : M. Grousset – Surveillant général : M. Bax

Culte et Enseignement religieux. – Aumôniers : catholique : M. l’abbé Cruzel ; - protestant : M. le pasteur Gervais

Enseignement. – MATHÉMATIQUES : MM. Bernard, Cazaban

SCIENCES PHYSIQUES ET CHIMIQUES : M. Ducaux

PHILOSOPHIE ET HISTOIRE : M. Dubourdieu

PREMIÈRE ET SECONDE : M. Derennes

TROISIÈME ET QUATRIÈME : M. Garrigou

CINQUIÈME ET SIXIÈME : M. Grousset

CLASSES B : M. Petit-[…]me-Lafaye

ALLEMAND ET ANGLAIS : M. Bourdil – ESPAGNOL : M. Cazaban

CLASSES ELEMENTAIRES : M. Bax

CLASSE PRÉPARATOIRE : M. Vincent

DESSIN : M. Lambron

GYMNASTIQUE : M. Carbois

Répétiteur : M. Borie

Service médical : M. le Dr Courret »

Outre un renouvellement presque total de l'équipe enseignante en 25 ans, on constate l'apparition de nouveaux enseignements : chimie, gymnastique et peut-être d'une langue vivante (pas de spécification en 1882). Un encadrement religieux protestant est également proposé, de même que les services d'un médecin.

Entre temps, en 1901, avait été créée au collège une École pratique de commerce et d'industrie - conformément à la loi du 26 janvier 1892, qui créa ces écoles afin "de former des employés de commerce et des ouvriers habiles et instruits".

Le journal L'Express du Midi nous apprend qu'elle eut même l'honneur de la visite du ministre de l'instruction publique, M. Chaumié, le 2 septembre 1903. Selon ce media, il se serait adressé aux "professeurs de dessin linéaire et de chimie appliquée" en ces termes :

« Je me figure presque être le ministre de la guerre passant la revue de ses troupes en vue de la seule guerre que verront sans doute nos enfants, la guerre économique, moins sanglante, mais aussi dangereuse que l'autre, étant donné les armes puissantes dont disposent les combattants. » (source ici)

 

Quelques cartes postales anciennes nous renseignent sur le type d'enseignement qui y était donné. Elles nous montrent en effet des forges et des ateliers d'ajustage.

Peut-être y enseignait-on également la sculpture sur bois au début du XXe siècle, puisque le directeur de l’École pratique, M. H. Gaschet, est l'auteur d'un Manuel de sculpture sur bois qui figure dans la liste des livres classiques pour la rentrée 1921 (Source : ici)

 

L’École pratique de commerce et d'industrie de Marmande servit après la première guerre mondiale de centre de rééducation pour les blessés de guerre (source : ici).

 

Le 3 octobre 1909, le collège connaît à nouveau son heure de gloire médiatique, lorsque le président de la République, Armand Fallières (ancien député puis sénateur de Lot-et-Garonne), en visite à Marmande (lire le compte-rendu de sa visite dans le Petit Parisien daté du 4 octobre ici) notamment pour inaugurer un monument à la mémoire de Léopold Faye, vient visiter l'établissement.

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