L'histoire du lycée de Marmande
Une histoire mouvementée sous l'Ancien Régime
Protohistoire du collège
Les origines du collège de Marmande semblent remonter à 1585, lorsque Barthelemy de Labat, bourgeois et marchand opulent, lègue par testament à la ville de l'argent et une maison pour payer un régent "pour instruire la jeunesse et les petits enfants de la ville et tenir le collège". Toutefois, les sources sont très maigres sur cette période.
Ce testament est cité dans l'ouvrage édité en 1988 par l'Association Henri IV intitulé Avènement d'Henri IV, quatrième centenaire: Provinces et pays du Midi au temps d'Henri de Navarre, 1555-1589, p.59 (annexe VI).
Le temps de la régence latine (1723-1737)
Le collège de Marmande a fait l’objet d’un article en 1984 de la part de deux éminents historiens de l’éducation, Marie-Madeleine Compère et Dominique Julia dans leur ouvrage Les collèges français, 16e-18e siècles. Répertoire A – France du Midi, paru aux éditions du CNRS (pages 412-415). Vous pouvez retrouver cet article dans son intégralité ici. En voici un résumé.
Les délibérations communales anciennes ayant disparu, nous ne pouvons connaître l’enseignement du latin à Marmande qu’à partir du XVIIIe siècle de façon certaine. Le 24 août 1723, la communauté engage un régent, M. Duprat, lui offrant un salaire de 240 livres par an (AD33 C582, pièce 38)... A l’origine, notre établissement n’était qu’un simple cours tenu par un maître. Les élèves de la ville payent 15 sols par mois s’ils « composent » et 10 sols par mois sinon, ceux de l’extérieur devant négocier pour profiter de l’enseignement prodigué. Ce maître reste au service de la communauté jusqu’en 1754.
Jean de Viguerie, dans L’institution des enfants : l’éducation en France (XVIe-XVIIIe s.) paru en 1978 chez Calmann-Levy, explique qu’il y avait ainsi en France dans les villes et bourgades une multitude d’écoles de latin sous l’Ancien Régime qui n’étaient ni tout à fait des « collèges », ni tout à fait des « petites écoles ». En Gascogne, on les appelle des « régences latines ». Dans la plupart des cas, le régent, souvent maître-ès-arts, est engagé par un conseil de villes ou un groupe de pères de famille. Ces régences latines, très nombreuses dans certaines régions (29 dans l’équivalent du département actuel de la Sarthe), elles étaient assez peu développées dans le Sud-ouest (une dizaine seulement pour la Gascogne et le Béarn réunis). Pour en savoir plus, cliquez ici.
Le temps du collège-séminaire (1737-1791)
En 1737, des lettres patentes d’érection d’un petit séminaire à Marmande sont délivrées sur la recommandation de l’évêque d’Agen (AD33, C580, pièce 8). Cette création appartient à un vaste mouvement initié par le zèle apostolique de l’abbé Moustier qui multipliait les missions pour évangéliser un diocèse très touché par « l’hérésie ». Les enfants sont des cibles privilégiées pour l’Église catholique qui cherche à reconquérir du terrain sur le protestantisme. L’établissement est installé dans l’ancien couvent des Ursulines, abandonné en 1734.
Il ne se développe guère jusqu’en 1757, date à laquelle l’évêque d’Agen édicte des « règlements pour le petit séminaire de Marmande » (AD33, C580, pièce 6). C’est à cette même date que la ville passe un traité avec le petit séminaire pour remplacer la régence latine. Toutefois, cet accord ne plaît guère à la communauté municipale et le petit séminaire est rapidement critiqué. Parmi les plaintes adressées à l’intendant de la généralité, on lit l’opposition à la mainmise de l’abbé Moustier sur la nomination et le remplacement des régents, ou encore l’incompétence de ceux-ci (« quelques-uns devraient aller à l’école plutôt que d’en tenir »). On relève encore la « malpropreté », « l’absence d’émulation ». Enfin, il constitue une charge financière trop importante pour la communauté marmandaise (750 livres/an).
En dépit des protestations des partisans de l’abbé Moustier, la jurade rompt le contrat qui unit régence municipale et petit séminaire le 22 novembre 1761. L’ancien régent, l'abbé Connell, est rappelé, moyennant un salaire de 300 livres par an complété par le paiement de 20 sols par mois pour chaque élève. En 1759, le collège séminaire compte 3 régents et 25 écoliers payants (AD33, C577, pièce 7) et 30 à 40 en 1761 (AD33, C579, pièce 107).
Après un premier échec en 1764, le collège et le petit séminaire sont à nouveau réunis à partir de 1768, avec deux régents seulement et 300 livres d'honoraires et cette fusion n'est plus remise en cause d'après les délibérations municipales. L'établissement reçoit par ailleurs par lettres patentes royales de mars 1779 les biens du couvent des ursulines. En 1782, un 3e régent est embauché.
Le collège séminaire ferme à la fin de l'année scolaire 1790-91 car les professeurs, qui sont des prêtres séculiers, refusent de prêter serment à la constitution civile du clergé.
Pour en savoir plus sur les petits séminaires, créations de l’Église de France après le concile de Trente destinée à toucher les enfants et les pauvres, lisez cet article intéressant quoiqu'ancien, ou cet article plus récent.
Pour en savoir plus sur la constitution civile du clergé, à laquelle tous les ecclésiastiques de France devaient prêter serment sous peine de perdre leur fonction, renseignez-vous ici ou ici.
La période révolutionnaire, ou le temps des incertitudes
Les Archives départementales de Lot et Garonne font état, entre 1792 et 1973, de cinq "demandes de secours" adressées par la ville de Marmande à Roland, ministre de l'Intérieur, pour permettre à l'établissement de perdurer.
"Bâti à neuf depuis 4 ans, il est bien aéré et vaste et dans un site heureux. Il n'y a pas d'autre collège depuis Bordeaux jusqu'à Agen. Cet établissement était administré par une société de prêtres qui, s'étant refusé de prêter le serment prescrit par la loi, ont été remplacés par un directeur et quatre professeurs laïques. Les prêtres ci-devant administrateurs sont prévenus d'avoir mêlé d'une manière utile pour eux leurs intérêts particuliers avec ceux de cet établissement, dont l'administration n'était point surveillée par personne. Il y a à ce sujet une instance au tribunal du district de Marmande entre le procureur de la commune et l'un de ces prêtres. Il est au moins certain que ce collège, qui du temps de l'administration de la société était très florissant, est sans autre revenu que la rente d'un capital de 20000 livres, et cependant une dépense de 4000 livres est indispensable pour que les instituteurs qui sont en fonctions puissent les continuer. Nous vous prions d'avoir égard à notre exposé et d'accorder au collège de la ville de Marmande une somme de 3000 livres sur les 20000 livres qui sont mises à votre disposition."
Elles mentionnent également une "pétition de Bousquet, directeur du collège de Marmande, tendant à obtenir des secours pour faire revivre cet établissement".
Il n'apparaît pas de traces d'une réussite de ces initiatives répétées. Par ailleurs, le collège ne figure pas dans l'Annuaire de l'instruction publique de l'année 1804, ce qui laisse penser qu'il a effectivement fermé pendant une courte période.
C'est également à cette époque qu'une bibliothèque publique est établie au sein du collège (Messidor, an II).